L’Ukraine est à la Une de l’Express, du Point et du Nouvel Obs. Le Point affiche la photo du président ukrainien Volodymyr Zelensky, surmontée d’un seul mot : « Debout ». Le Nouvel Obs et l’Express, eux, ont choisi de mettre en Une Donald Trump et Vladimir Poutine. « Le grand marchandage », titre le Nouvel Obs, « l’Europe effacée », se désole l’Express. Car c’est bien cette question qui taraude les hebdomadaires, semaine après semaine. Que peut faire l’Europe pour sauver l’Ukraine? « L’indignation des capitales européennes ne pèse pas grand-chose contre la volonté du président américain de négocier directement avec son homologue russe », nous dit l’Express. « Comment les dirigeants européens ont-ils pu à ce point se bercer d’illusions sur leur « importance » vis-à -vis de Trump ? » se demande l’hebdomadaire, qui ajoute : « Lâché par son plus grand allié, le Vieux Continent vacille. Et le temps ne joue pas en sa faveur ». Le Point de son côté, parle de « défi historique » et ajoute : « En négociant directement avec Poutine, Trump lâche l’Ukraine et les pays de l’Otan, l’Europe fait face à une menace existentielle ».
Quel rĂ´le l’Europe peut-elle effectivement jouer ? Avec en filigrane, ce que le Nouvel Obs appelle donc « le grand marchandage », entre Trump et Poutine. « Quel poids l’Ukraine aura-t-elle dans les discussions ? » se demande aussi l’hebdomadaire. « Quelles garanties de sĂ©curitĂ© peut-il y avoir face Ă Poutine ? », renchĂ©rit le Point, qui a interrogĂ© Michel Goya. « Historien et consultant militaire », celui-ci estime que seule la dissuasion peut « faire peur Ă Poutine », « une dissuasion conventionnelle », dit-il. « La meilleure garantie de sĂ©curitĂ© de l’Ukraine », ajoute Michel Goya, « est encore son armĂ©e », qui sera toutefois « toujours d’un potentiel infĂ©rieur Ă l’ennemi russe. C’est donc lĂ qu’interviennent les soutiens de l’Ukraine, et probablement seulement les EuropĂ©ens, afin de combler cette diffĂ©rence ». Â
L’Europe doit donc jouer sa propre carte. C’est aussi le point de vue de Camille Grand… L’ancien secrétaire général adjoint de l’Otan, estime dans l’Express que la balle est dans le camp de L’Europe : « Face à son destin, dit-il, l’Europe est poussée à faire sa révolution. N’oublions pas que la construction européenne est un projet de paix entre ses membres et avec le reste du monde ». « Longtemps, poursuit Camille Grand, l’Union a refusé d’investir dans la défense, c’était presque contraire à ses principes. Aujourd’hui, elle a tourné cette page. Elle comprend mieux le rapport de force. »
NĂ©anmoins, l’optimisme n’est pas Ă l’ordre du jour. « Nous devons regarder l’avenir avec inquiĂ©tude », dĂ©clare mĂŞme le ministre français des ArmĂ©es, SĂ©bastien Lecornu, dans une interview au Parisien Dimanche. Et il ajoute que la France est entrĂ©e dans « une Ă©conomie de guerre ». « C’est dĂ©jĂ une rĂ©alitĂ©, explique-t-il, avec une augmentation des cadences de production considĂ©rable pour des matĂ©riels terrestres comme les canons Caesar ou les obus de 155 mm. » « Le prĂ©sident de la RĂ©publique, ajoute le ministre des armĂ©es, m’a demandĂ© de lui faire des propositions, pour accĂ©lĂ©rer encore notre rĂ©armement et renforcer plus vite nos capacitĂ©s ». Â
L’Ukraine de son côté « continue à résister ». Ce sont les mots utilisés par le Point qui est allé à la rencontre de jeunes gens « barbus », et « tatoués », maniant « perceuses » et « visseuses ». Des jeunes gens qui, dans un immeuble à la périphérie de Kiev, fabriquent des drones. « La guerre libère les talents, ose même le Point, le pays compte quelque 400 producteurs de drones, 5O concepteurs de robots, 200 fabricants de système de brouillage. » Mais face aux Russes, les Ukrainiens ont fort à faire. « En un mois, à Kherson, explique un agriculteur reconverti à la fabrication de drones, ils nous ont envoyé 150 000 drones, contre 10 000 de notre côté ». L’optimisme a donc ses limites : « si l’Occident nous abandonne maintenant, on ne tiendra pas plus de six mois », reconnaît Taras Ostaptchouk, 38 ans, concepteur de robots qui devraient prochainement « assumer la moitié de l'approvisionnement des troupes ».
Le Nouvel Obs s’est lui aussi rendu sur place en Ukraine… En quelques mots, l’envoyée spéciale de l’hebdomadaire nous dit ce qu’elle a vu : « des familles qui pleurent dans les gares, des vétérans amputés qui s’entraînent au club de gym, des civils qui fuient la conscription ». Là encore il est question, « des drones tueurs qui sifflent dans le ciel », « capables d’écrabouiller les chairs, de mutiler les corps ». Bref, la guerre continue mais l’espoir n’est pas mort. Dans la capitale, nous dit le Nouvel Obs, « on croise partout ce panneau optimiste adressé aux visiteurs étrangers : « Kiev vous attend après la victoire ». »